Zoom sur « Les Mains »

Jeu de paume

« Quatre doigts font une paume, et quatre paumes font un pied, six paumes font une coude : quatre coudes font la hauteur d’un homme. Et quatre coudes font un double pas, et vingt-quatre paumes font un homme »
De Architectura, Vitruve (1er siècle av JC))
… Le présocratique Protagoras n’a t-il pas dit : «  L’Homme est la mesure de toute chose. » ? Léonard dessine l’idéale proportion d’u_n corps inscrit à la fois dans un carré, dans un cercle et donne illustration au texte de Vitruve : « La main complète est un dixième de l’homme. »

Le géomètre s’applique à compasser l’espace dans l’étude des proportions, le dessinateur apprend par elle à placer un volume, un corps.
Puis vient le travail sur le mouvement : affirmer une attitude dans la ligne, la lumière, la couleur, et placer une émotion ; l’effusion des sens émancipe la présence d’une figure, d’un paysage, d’un geste.

Dans l’école académique, Charles Le Brun (1619-1690), qui dirigea à l’origine les peintres de l’Institut, poussait l’étude des expressions sur les visages aux subtils mouvements anatomiques des muscles faciaux, enfin sur les mains.

Nicolas de Largillière (1656-1746), Etudes de mains, Musée du Louvre

Elles font le métronome de la mesure : proportionner, construire, animer, éclairer un tempérament. Viennent la grâce, la joie, le repos, la colère, la peur, l’ennui, la folie … les mains accompagnent et peuvent aussi compromettre ; agiles et sincères, elles répondent en écho et résonnent les secrets du cœur.

Noëlle Echiffre ne cherche pas la virtuosité gracile et élégante comme le faisait l’Académie, ça n’est pas l’accomplissement abouti et affirmé de l’attitude qui s’impose par la geste théâtrale, au contraire, la sincère et fragile connexion d’un geste à son esprit, un discours entre un corps et sa pensée, entre plusieurs corps aussi. N’en déplaise aux académiciens, le corps est beau lorsqu’il est imparfait !

Son relief escarpé parfois, lisse autrefois, ses griffes, sa chair, son squelette… son contact ne sont-ils pas nécessaires ? la main des autres est un réconfort. Ici elle signe une apparition, un signal irradiant la lumière, à défaut de défier l’obscurité, les doigts franchissent l’opacité.
Les compositions resserrées, les cadres rapprochés figent le mouvement, arrêtent le volume dans une trajectoire interrompue : une histoire en suspens …
Où le mouvement, appuyé par le dessin d’une ligne pliée, creusé dans la phalange, joue des clairs obscurs comme un ressort. Le précieux vaniteux de sa superbe doit-il s’en méfier, lorsque l’équilibriste s’en satisfait. Les mains sont des guides, des appuis à l’écho de l’esprit.

Prune Mallet, historienne d’art

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